Faire du vélo à Lille, c’était il y a encore quelques années une aventure périlleuse. Entre les voitures garées sur les rares pistes cyclables, les carrefours dangereux et l’absence criante d’infrastructures, difficile de convaincre les plus frileux d’enfourcher leur biclou. Mais tout ça, c’était avant ! Aujourd’hui, Lille vient de réaliser un véritable exploit selon les résultats du Baromètre des villes cyclables 2025 publiés le 18 septembre par la FUB (Fédération française des Usagers de la Bicyclette) : +18,51% de progression, la meilleure performance nationale pour les grandes villes de plus de 200 000 habitants. Traduction concrète ? Lille entre dans le Top 10 des villes les plus cyclables de France. Pas mal pour une métropole qui traînait en queue de peloton il y a encore cinq ans, non ?
Du fond du classement au Top 10 : l’ascension fulgurante
En 2019, Lille végétait avec la note E « plutôt défavorable » selon le Baromètre des villes cyclables. Autant dire que pédaler dans la capitale des Flandres relevait du parcours du combattant. Les cyclistes dénonçaient le non-respect des automobilistes, des vols à répétition, et une insécurité omniprésente. Six ans plus tard, la ville affiche fièrement sa nouvelle catégorie C « plutôt favorable » et se retrouve aux côtés de Paris, Lyon, Bordeaux et Nantes.
Qu’est-ce qui a changé ? Tout simplement, la Métropole Européenne de Lille (MEL) a décidé de mettre les bouchées doubles avec un plan vélo de 100 millions d’euros sur la période 2021-2026. Et visiblement, ça paye ! Selon les compteurs vélo installés sur le territoire, la fréquentation cyclable a grimpé de 15% en quatre ans. Pascal Leclercq, administrateur de l’ADAV Nord (Association Droit Au Vélo), confirme que circuler à vélo est devenu « beaucoup plus confortable qu’avant grâce aux aménagements et aux pistes séparées des voies pour les voitures ».
Les coronapistes, le coup d’accélérateur inattendu
Paradoxalement, c’est la crise du COVID-19 qui a servi de catalyseur. En mai 2020, lors du premier déconfinement, la MEL a déployé en urgence 34 kilomètres de « coronapistes » — ces fameuses pistes cyclables temporaires marquées en jaune. Une partie de ces aménagements était déjà dans les cartons, mais la pandémie a accéléré leur mise en œuvre.
Le pari était risqué. Allait-on supprimer ces voies une fois la crise passée ? Eh bien non ! Après une consultation publique qui a recueilli plus de 2 000 contributions (un chiffre énorme selon les élus), la MEL a décidé en mai 2021 de pérenniser la quasi-totalité des coronapistes. Les marquages jaunes ont laissé place à des aménagements blancs permanents. Résultat immédiat : +27% de fréquentation cyclable durant la période post-confinement. Quand on vous dit que les infrastructures créent la demande !
Zones 30 partout : la révolution discrète qui sauve des vies
Avant même la pandémie, Lille avait posé un jalon majeur en août 2019 en devenant l’une des premières grandes villes françaises à généraliser les zones 30 km/h. En quelques mois, 88% des rues lilloises sont passées sous cette nouvelle limitation — un déploiement qui a nécessité l’installation de 600 nouveaux panneaux et plus de 630 marquages au sol.
Pourquoi c’est crucial pour les cyclistes ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes selon les données de sécurité routière : le risque de décès d’un piéton ou cycliste percuté chute de 80% à 50 km/h à seulement 10% à 30 km/h. La distance de freinage passe de 25 mètres à 9 mètres.
Concrètement, ça change quoi au quotidien ? Pascal Leclercq de l’ADAV Nord le résume parfaitement : « C’est plus facile d’envoyer son ado seule à vélo au collège. Sa fille en classe de 4e se débrouille toute seule maintenant, exit les inquiétudes des parents. » Le bilan de la ville montre que 60% des automobilistes respectent la limite de 30 km/h, et seulement 5% dépassent 50 km/h.
Si vous hésitez encore à faire du vélo en ville avec vos enfants, ces zones 30 changent vraiment la donne niveau sécurité.
Le Réseau Vélo Plus : 230 km de voies express cyclables
Le projet phare du plan vélo lillois, c’est le Réseau Vélo Plus : 230 kilomètres de réseau express cyclable composé de 12 lignes et 3 rocades. Imaginez un peu : des pistes séparées de la circulation automobile, des revêtements de qualité, une signalétique claire et cohérente, et des aménagements prioritaires aux carrefours.
La première ligne inaugurée en juin 2023 relie Lille, Roubaix et Tourcoing — le cœur de la métropole. D’autres lignes ont suivi en 2024, notamment la ligne 6 vers le Stade Pierre Mauroy à Villeneuve d’Ascq. Le réseau s’accompagne de 50 aires de services prévues, équipées de cartes géolocalisées, pompes à vélo, bancs et totems d’information. Cinq sont déjà opérationnelles : Quinquibus (Wavrin), 4 Cantons et Stade Pierre Mauroy (Villeneuve d’Ascq), Fer à Cheval (Croix-Roubaix), et Croisé Laroche (Marcq-en-Barœul).
Le réseau de compteurs cyclistes s’est également étoffé selon la MEL, passant de 26 compteurs en 2022 à 36 en 2023, avec un objectif de 48 compteurs pour mesurer précisément la fréquentation.
V’lille explose les records : 19 750 abonnés, du jamais vu !
Le système de vélos en libre-service V’lille poursuit son expansion avec 258 stations et 2 600 vélos répartis dans 20 communes. Si le nombre total de locations a légèrement baissé en 2024 (3 055 705 trajets, soit -1,3% selon les chiffres officiels du système), ce qui impressionne vraiment, c’est l’explosion des abonnements réguliers : 19 750 abonnements annuels, soit +22% en un an — un record absolu qui témoigne d’une adoption croissante du vélo comme mode de transport quotidien.
En semaine, V’lille enregistre plus de 10 000 locations quotidiennes. La durée moyenne d’un trajet ? 10 minutes 30 pour 1,8 km parcouru — pile poil adapté pour les déplacements urbains du quotidien. Les trois stations les plus fréquentées sont la gare Lille-Flandres, la place Richebé et Flandres-Euralille. Et depuis 2022, les jeunes de 14 à 18 ans bénéficient d’un abonnement gratuit, favorisant leur autonomie.
Stationnement sécurisé : enfin des solutions contre le vol
L’un des freins majeurs à la pratique du vélo, c’est la peur du vol. La MEL a donc massivement investi dans le stationnement sécurisé. Le point d’orgue ? L’inauguration en juin 2025 de la vélostation de la gare Lille-Europe : 440 places sécurisées pour vélos standards, 12 places pour vélos cargo et longtails, accessibles 24h/24 gratuitement avec la carte Pass Pass, vidéosurveillées et couvertes. Deux stations de réparation avec outils et une station de gonflage complètent le dispositif.
Ça s’ajoute aux 948 places déjà existantes à la gare Lille-Flandres et aux 34 abris vélo automatisés aux stations de métro et tramway. La MEL compte également 140 box à vélo sécurisés (capacité de 5 vélos chacun) répartis dans l’aire urbaine, avec 9 nouveaux box ajoutés récemment.
Une Maison des Mobilités Durables a également ouvert ses portes en septembre 2023 place François Mitterrand, face à la gare Lille-Europe. Elle centralise l’information avec des conseillers en mobilité, des expositions interactives, une piste d’apprentissage vélo en extérieur et une bourse aux vélos mensuelle (premier mardi du mois, 17h-19h).
100 millions d’euros : des sous, pas des promesses
Derrière cette transformation, il y a du concret : 100 millions d’euros investis entre 2021 et 2026 selon le plan vélo métropolitain adopté en juin 2021, soit environ 20 millions par an. Ce budget se répartit entre 75 millions pour les infrastructures cyclables en voirie et 25 millions pour les voies vertes et véloroutes.
Les chiffres réels dépassent même les prévisions selon les bilans de la MEL : 26,8 millions d’euros dépensés en 2024 rien que pour le vélo, permettant la création de 29 km de nouvelles infrastructures. Pour 2025, 21 millions supplémentaires sont programmés pour environ 40 km additionnels.
À titre de comparaison, avant 2017, la MEL investissait seulement 1 à 1,5 million d’euros par an dans les infrastructures cyclables. L’investissement a donc été multiplié par 15 à 18 fois en quelques années. Cela représente environ 20 euros par habitant et par an — un niveau supérieur au minimum recommandé de 10 euros.
La MEL bénéficie aussi de financements européens (via le FEDER et le programme Green Mobility) et nationaux, avec des prêts verts de la Banque Européenne d’Investissement.
Ce qui marche (et ce qui coince encore)
Les cyclistes lillois interrogés dans le cadre du Baromètre sont unanimes : le confort de circulation s’est nettement amélioré grâce aux voies cyclables séparées.
Mais tout n’est pas rose. Pascal Leclercq le formule clairement : « Il y a des batailles contre le stationnement des voitures sur les pistes ou sur leur entretien, et des croisements avec des autoroutes, des rivières ou des voies ferrées à revoir, car ils coupent les pistes cyclables à certains endroits, vers Lille et Dunkerque par exemple. C’est à améliorer, voire carrément dangereux. »
Le stationnement illégal de véhicules sur les pistes cyclables reste un point irritant, obligeant les cyclistes à des manœuvres dangereuses. L’entretien pose aussi problème : nids-de-poule, feuilles mortes non ramassées, neige et verglas en hiver.
L’objectif : quadrupler la part modale d’ici 2035
Malgré ces progrès spectaculaires, la part modale du vélo reste modeste : environ 1,5 à 2% de l’ensemble des déplacements selon les données de mobilité de la MEL. L’objectif affiché dans le plan vélo ? Atteindre 8% en 2035, soit quadrupler l’usage du vélo en onze ans. Ambitieux si on regarde d’où l’on part, mais encore bien faible par rapport au potentiel du vélo en agglomération…
Mais avec +15% de fréquentation cyclable en quatre ans selon les compteurs installés sur le territoire, et une progression qui se maintient à +4% en 2024 (contre +1% en moyenne nationale d’après les données nationales de vélo & territoires), la dynamique est là. Cette performance place Lille au même niveau que Paris (+4%) et devant Lyon (+2%) pour l’année 2024.
Pour y arriver, il faudra maintenir le rythme d’investissement, résoudre les conflits d’usage avec l’automobile, améliorer l’entretien des infrastructures et étendre le modèle aux communes périphériques qui peinent encore.
Lille inspire (et laisse derrière)
À l’échelle régionale, Lille et Dunkerque émergent comme les locomotives des Hauts-de-France selon le Baromètre 2025. Dunkerque obtient d’ailleurs le meilleur résultat régional, classée 9e ville nationale de plus de 50 000 habitants. Mais les disparités restent énormes : Cambrai obtient une note catastrophique de 2,18/6 avec un classement G « très défavorable », Amiens traîne en catégorie E, et même Tourcoing et Roubaix — pourtant voisines de Lille et desservies par le Réseau Vélo Plus — affichent des résultats décevants.
À Tourcoing, les usagers notent un « manque d’effort de la commune », tandis qu’à Roubaix, « le ressenti d’insécurité à vélo reste très présent » malgré des efforts récents. Preuve que même au sein d’une même métropole, les politiques communales spécifiques font toute la différence.
Au niveau national, Lille progresse rapidement mais part de loin. Les championnes incontestées restent Grenoble (4,37/6, note A), Strasbourg (4,15/6, A) et Rennes (4,05/6, A). Lille, avec sa catégorie C, se situe donc encore nettement en dessous de ces références. Cependant, sa trajectoire d’amélioration (+18,51%) dépasse largement celle de ces villes déjà matures. Vous pouvez retrouver tous les résultats sur notre article dédié au Baromètre vélo 2025.
En résumé : une transformation accélérée mais inachevée
Lille prouve qu’on peut rattraper un retard historique en cinq ans. De la catégorie E en 2019 à la catégorie C en 2025, avec la meilleure progression nationale (+18,51%), la ville démontre qu’investissement massif et cohérent = résultats tangibles. Les 100 millions d’euros ne sont pas du vent : ils se traduisent par des dizaines de kilomètres de pistes séparées, des zones 30 généralisées, des vélostations XXL et un réseau express cyclable.
Mais soyons honnêtes : Lille reste loin des standards européens et même des championnes françaises. Le stationnement sauvage, les coupures territoriales et les défaillances d’entretien minent encore l’expérience quotidienne. Pour atteindre les 8% de part modale visés en 2035, il faudra maintenir le cap pendant une décennie entière.
Comme le souligne le Collectif Vél’Hauts de France qui a organisé avec l’ADAV Nord la cérémonie régionale du 23 septembre : « Ce classement ne doit pas être perçu comme une fin en soi. Il représente une étape encourageante, mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les conditions de circulation à vélo dans les Hauts-de-France. »
Une chose est sûre : si vous hésitez encore à choisir votre vélo de ville ou à vous mettre au vélotaf, les conditions n’ont jamais été aussi favorables à Lille pour sauter le pas. Si vous transportez des enfants, découvrez quel siège bébé choisir pour votre vélo ou explorez les options de vélos cargo. Pensez aussi à bien vous équiper avec un bon antivol et consultez nos conseils pour rouler en hiver. Et ça, c’est déjà un beau programme !
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